Le travail en équipe : pourquoi et comment? / Ulric Aylwin. -- Pédagogie Collégiale>, 7, no 3, mars 1994, p. 28-32. -- SDM 9461447.

Texte intégral de l'article

SDM 9461447

Le travail en équipe: pourquoi et comment? <note *>

Ulric Aylwin
coordonnateur, Service de développement pédagogique,
Cégep de Maisonneuve


S'il est bien structuré, le travail en équipe peut être source de motivation pour les élèves. Il favorise, en outre, les apprentissages en profondeur et il permet de respecter la diversité des élèves.


Les défis auxquels les professeurs sont confrontés de nos jours sont devenus très complexes, en ce sens qu'ils comportent des dimensions variées qui s'enchevêtrent inextricablement. Parmi ces défis, il y en a cinq particulièrement exigeants qui sont:

- comment entretenir la motivation des élèves?

- comment tenir les élèves actifs et aux commandes de leur propre démarche d'apprentissage?

- comment faire face à l'hétérogénéité de plus en plus grande des groupes d'élèves?

- comment favoriser un apprentissage en profondeur?

- comment faire étudier les élèves dans un cadre qui les prépare à leur futur contexte de travail?

Il y a de nombreuses façons de relever ces défis, mais l'une d'entre elles mérite une attention particulière du fait qu'elle vise tous ces objectifs à la fois et même davantage; il s'agit de la formule pédagogique qui fait appel à la formation de sous-groupes d'élèves.

On peut y avoir recours de façon informelle, à l'occasion, pour de brefs exercices, ou encore de façon structurée, durant plusieurs semaines, voire même un trimestre entier. On parlera alors d'apprentissage coopératif. C'est sur cette forme de travail en équipe que nous nous penchons ici.

Nous examinerons d'abord comment fonctionne l'apprentissage coopératif; puis nous verrons comment les avantages qu'offre cette méthode permettent de relever les défis qu'on vient de mentionner; enfin, nous traiterons des conditions d'efficacité de cette méthode.

L'apprentissage coopératif: caractéristiques et modalités

Dans l'apprentissage coopératif, tous les aspects de l'activité du groupe sont sciemment choisis, disposés et contrôlés pour assurer le maximum d'apprentissages et de retombées socio-affectives. Notons ici trois caractéristiques dominantes de l'apprentissage coopératif.

- Il favorise l'interdépendance positive des coéquipiers: les membres de l'équipe ont un but commun qui ne peut être atteint que par l'apport et le succès de chacun, et qui exige le partage des ressources individuelles.

- Il fait appel à la responsabilité individuelle des équipiers, et cela à deux niveaux: d'un côté, la nécessité pour chacun de faire sa part pour assurer l'atteinte du but commun visé par l'équipe, de l'autre, la nécessité pour chacun de se préparer à l'évaluation sommative qui sera individuelle.

- Enfin, selon la nature des objectifs socio-affectifs visés par le professeur, la composition des équipes se fait sur une base d'hétérogénéité. Cette hétérogénéité sera la plus grande possible, et elle sera équivalente d'un groupe à l'autre. Concrètement, chaque équipe de quatre élèves pourrait compter, si une telle diversité existe dans la classe: un élève fort, deux élèves moyens, un élève faible, deux garçons et deux filles, un ou deux membres de minorités culturelles, etc. Précisons que l'hétérogénéité des équipes n'est pas une règle absolue, mais que, pour notre part, nous prenons le parti de nous référer à un modèle qui suppose cette hétérogénéité, en plus de l'interdépendance positive et de la responsabilité individuelle des membres.

L'apprentissage coopératif peut s'appliquer selon des modalités ou des formules très variées; Spencer Kagan <note 1>, par exemple, a décrit jusqu'à 94 exercices et 20 schémas de leçons, regroupés sous les principaux objectifs visés dans un cours.

Le puzzle et les points-bonis sur la performance sont deux formules particulièrement intéressantes.

Il en existe d'autres qui sont moins élaborées, comme c'est le cas pour LECTURE - RÉSUMÉ - CONTROLE (LRC). Ici, les élèves, en dyade, lisent un texte section par section, l'élève A devant, après la lecture d'une section, en faire un résumé à B sans recourir au texte, après quoi B, qui a écouté le résumé en se référant au texte, complète l'information retenue par A; ensuite les rôles sont inversés pour l'étude de la section suivante. D'autres formules, par contre, sont plus élaborées; c'est le cas, par exemple, de COOP-COOP (CC) et de RECHERCHE en GROUPE (RG), où ce sont les élèves eux-mêmes qui déterminent les objets d'étude pour toute la classe et qui en répartissent le contenu entre les équipes, de sorte qu'il y a interdépendance à tous les niveaux: a) entre tous les individus - pour le choix du contenu et la planification du travail; b) entre les coéquipiers - pour la tâche particulière confiée à l'équipe; c) entre les équipes - pour réaliser la totalité de l'étude ou de la recherche.

La description de ces formules se trouve dans l'ouvrage de Kagan et dans celui qu'a publié l'Université Concordia <note 2>.

[début de la page 29 du texte original]

Les avantages de l'apprentissage coopératif

L'apprentissage coopératif permet de répondre aux cinq défis que nous avons énumérés plus haut.


Deux formules d'apprentissage coopératif

LE PUZZLE

C'est la formule coopérative par excellence, celle où l'interdépendance des coéquipiers est évidente et où les élèves ont le plus d'occasions d'améliorer leurs méthodes d'étude et leurs capacités de communication.

Le puzzle se pratique sous deux formes.

Forme 1

- Le professeur divise la matière à étudier en autant de parties qu'il y a de membres dans les équipes (quatre habituellement); les parties sont numérotées 1, 2, 3, 4.

Quant aux élèves dans les équipes, ils sont identifiés par les lettres A, B, C, D.

- Le professeur remet la partie de travail n° 1 à tous les membres A des équipes, la partie n° 2 aux membres B, etc. Dans un premier temps, chaque élève travaille seul sur la tâche qui lui est confiée (il le fait à la maison ou en classe), puis tous les A se réunissent, ainsi que les B, les C et les D, pour constituer des groupes d'»experts» sur leur partie de la matière; ils approfondissent, en effet, leur compréhension de la matière pour être bien préparés à l'expliquer plus tard aux membres de leur équipe de base.

- Lorsque les groupes d'»experts» ont fini d'approfondir leur partie de la matière, les équipes de base se reforment et partagent leur science, c'est-à-dire que A enseigne à B, C et D, puis c'est au tour de B, etc., jusqu'à ce que tous maîtrisent la matière présentée par chacun.

L'évaluation ensuite est faite individuellement, comme d'habitude.

Forme 2

Ce qui diffère ici de la forme 1, c'est que chaque élève reçoit la totalité du texte ou de la documentation; mais la démarche générale demeure la même, à savoir que chaque équipier n'a qu'une partie du texte à étudier ou qu'un point de vue particulier à considérer en étudiant l'ensemble de la documentation.

POINTS-BONIS SUR LA PERFORMANCE (PBP)

Cette formule vise à renforcer l'interdépendance des équipiers et à donner à tous une chance égale de contribuer au succès de l'équipe. Le déroulement type est le suivant.

- Les équipes sont hétérogènes.

- Le professeur enseigne une tranche de la matière, en avertissant les élèves que c'est sur ce contenu que portera l'évaluation individuelle.

- En équipe, les élèves étudient plus à fond la matière, à partir des questions, des problèmes, des feuilles-réponses et d'autres documents distribués par le professeur. Le fait de ne remettre à chaque équipe qu'un exemplaire du questionnaire à remplir, ainsi peut-être qu'une seule feuille-réponse, suscite la coopération entre les équipiers beaucoup plus que si chacun dispose de tout le matériel.

- Une fois l'étude terminée, les connaissances de chaque élève sont contrôlées par un examen dont la forme et le contenu permettent de distinguer assez finement les performances individuelles.

- Après correction, le score de chacun est comparé au score qu'il a obtenu lors de l'examen précédent et le professeur fait la moyenne des pourcentages de progrès individuels pour chaque équipe (il n'y a pas de soustraction pour le recul constaté chez l'un des membres); cet écart moyen positif est ensuite transformé en points-bonis dont bénéficient tous les membres de l'équipe.

- Pour renforcer l'esprit d'équipe, le professeur peut, après chaque examen, féliciter publiquement l'équipe dont le pourcentage moyen de progrès est le plus élevé.


La motivation

L'un des premiers avantages de l'apprentissage coopératif est de placer l'élève dans un climat de sécurité affective. Nous avons tous constaté que beaucoup de nos élèves ont une image d'eux-mêmes relativement négative et que certains d'entre eux éprouvent ce qu'on appelle «le sentiment acquis d'impuissance». Il va de soi que l'anxiété ne peut que croître chez ces élèves si on les place dans un cadre de compétition où la force des uns se mesure à la faiblesse des autres et où la victoire de l'un s'érige sur la défaite des autres. Or, de nombreuses recherches, celles de Paul Mac Lean en particulier <note 3>, ont montré que l'activité du cerveau, dans la partie corticale, est inhibée lorsque le système limbique, siège des émotions, devient le plus actif, c'est-à-dire lorsque les émotions prennent le pas sur la raison. En d'autres termes, la motivation et la performance intellectuelle de nos élèves sont conditionnées par la sécurité affective que leur procure l'environnement pédagogique, et c'est ce qu'on peut obtenir dans l'apprentissage coopératif.

Une autre source de motivation dans l'apprentissage coopératif vient de sa dimension socio-affective, laquelle comporte plusieurs aspects. D'abord, l'apprentissage est un phénomène d'ordre essentiellement social, où l'interaction avec autrui est nécessaire pour obtenir l'information, pour la transformer, pour la valider, pour l'utiliser et la transmettre; il faut donc insister sur le fait que l'écoute individuelle, silencieuse et passive n'est pas naturelle; c'est le dialogue, la confrontation des points de vue et le partage qui sont naturels et qui aident les élèves à renouveler constamment leur motivation.

En outre, la dynamique de groupe qui s'instaure et se développe à l'intérieur de l'équipe fait que chaque élève est amené à exprimer les diverses facettes de sa personnalité, à associer vie affective et vie intellectuelle, ce qui est une condition essentielle de la motivation.

[début de la page 30 du texte original]

L'activité de l'élève

Il n'y a qu'un critère global pour juger de l'efficacité d'une pédagogie, c'est la diversité et la qualité des opérations intellectuelles qu'elle suscite chez l'élève, sans lesquelles les apprentissages visés n'auront pas lieu.

Or, nous savons que l'exposé magistral, qui a par ailleurs une efficacité qui lui est propre, est une méthode pauvre en termes d'activité intellectuelle chez l'élève, parce que, dans ce cas, c'est l'orateur qui fait l'essentiel du travail pendant que l'élève s'évertue à essayer de dégager du sens à travers le flot continu de paroles auquel il est soumis.

L'apprentissage coopératif, en revanche, place chaque élève, à chaque instant, au centre de l'activité intellectuelle du cours et aux commandes de sa démarche personnelle d'apprentissage. Il s'agit donc là d'un complément naturel de l'exposé professoral, un complément, d'ailleurs, qui devrait occuper plus d'espace que l'exposé.

Il faut également souligner, en rapport avec le point précédent sur la motivation, que le fait de faire sortir l'élève de l'inaction, de l'isolement et de la passivité constitue un facteur déterminant dans le maintien de la motivation.

Le respect des différences individuelles

L'hétérogénéité des groupes est devenue la pierre d'achoppement de la planification des cours et de la communication en classe. Les sources d'hétérogénéité sont nombreuses: différence sexuelle; disparité des âges; disparité des préparations scolaires; diversité socio-économique, culturelle et motivationnelle; diversité ethnique; stades du développement de la pensée; structures cognitives; sortes d'intelligence; styles d'apprentissage; modes de perception (VAK: visuel, auditif, kinesthésique); rythmes d'apprentissage; sources et formes de motivation.

Nous sommes là en présence d une difficulté majeure, à vrai dire d'une difficulté insurmontable pour le professeur, si celui-ci essaie de résoudre ce problème à lui seul. Le professeur peut, certes, atténuer la difficulté en utilisant une pédagogie différenciée, c'est-à-dire une pédagogie qui rejoint, simultanément ou successivement, les principaux sous-groupes ayant des traits communs, mais les limites de cette différenciation sont vite atteintes. La vraie solution consiste à recourir à l'apprentissage coopératif, dans lequel les différences sont vues non plus comme des obstacles, mais bien comme des moyens au regard de l'apprentissage, et dans lequel, surtout, chaque élève étant aux commandes de sa démarche d'apprentissage, il lui est loisible de travailler à son rythme, selon son style et en tenant compte de toutes ses autres caractéristiques personnelles.

Un apprentissage en profondeur

Il semble que la majorité des élèves se contentent d'apprendre en surface, sans chercher à comprendre la structure et la signification de l'ensemble des connaissances en cause, à rattacher les nouveaux concepts à l'expérience personnelle, à distinguer entre preuves et arguments, à donner une structure au contenu, à chercher des liens entre les tâches proposées et le développement personnel, bref, sans effectuer les opérations intellectuelles qui constitueraient un apprentissage en profondeur.

Cet apprentissage de surface se manifeste par un effort de mémorisation la veille de l'examen, par l'incapacité de répondre à des questions qui demandent d'appliquer les connaissances à des problèmes différents de ceux étudiés en classe, et par l'oubli très rapide, après l'examen, des connaissances apprises par coeur.

Face à cette situation, l'apprentissage coopératif constitue l'une des meilleures démarches pour favoriser un apprentissage en profondeur. Dans ce cadre, en effet, les travaux exigés de l'élève amènent celui-ci à pratiquer toute la gamme des capacités intellectuelles: l'analyse, la synthèse, la critique, la créativité, la résolution de problème, la prise de décision et la métacognition. Comme l'ont montré deux des principaux cognitivistes, Ausubel et Bruner, la profondeur de la compréhension d'un concept est proportionnelle à la variété des opérations intellectuelles qu'on fait sur ce concept, et c'est ce que procurent, normalement, les travaux et les échanges faits dans l'apprentissage coopératif.

Le travail en équipe comme préparation à la profession

Dans un avenir rapproché, la plupart des programmes afficheront, parmi leurs objectifs essentiels, la capacité de travailler en équipe; en effet, l'analyse de la situation de travail fera ressortir cette nécessité pour l'exercice de chaque profession visée. Pour cette formation au travail en équipe, la contribution de l'apprentissage coopératif est tellement évidente qu'il serait superflu de la souligner davantage.

L'apprentissage coopératif peut donc nous aider à relever les cinq défis énumérés plus haut. Nous pouvons aussi souligner d'autres retombées très importantes de cette méthode, telles que l'intégration culturelle et sociale des élèves issus de groupes minoritaires, le soutien affectif et pédagogique des élèves faibles, l'amélioration des habiletés de communication, la réalisation d'une évaluation formative continue, le développement d'un système personnel de valeurs.

Conditions d'efficacité

Distinguons deux catégories de conditions: celles qui s'appliquent à la préparation et celles qui ont trait au fonctionnement de la méthode.

Conditions à réaliser pour la mise en marche de la méthode

Il faut s'assurer ici que l'on connaisse les caractéristiques des élèves et que ceux-ci comprennent les avantages de l'apprentissage coopératif. Et il faut évidemment aussi voir à ce que les outils pédagogiques et les conditions matérielles soient appropriés.

- Comme il a été dit au début, toutes les équipes doivent être hétérogènes de la même façon et au même niveau; le professeur doit donc avoir pu recueillir toutes les informations pertinentes; et les élèves eux-mêmes, si le professeur prévoit utiliser un sociogramme pour connaître les affinités de chacun, doivent avoir eu l'occasion de se connaître suffisamment.

- L'apprentissage coopératif est très exigeant pour les élèves aux points de vue intellectuel, social et affectif; les élèves ne s'y engageront donc pas, ou le feront

[début de la page 31 du texte original]

à reculons, si l'on ne prend pas soin, au préalable, de leur faire découvrir les liens concrets qui existent entre cette méthode et leurs besoins fondamentaux, les objectifs de leur programme et les exigences de leur future profession; il est essentiel que le travail en équipe ne soit pas perçu comme une décision arbitraire ou peu fondée de la part du professeur.

- Il faudra aussi que chaque travail à réaliser en équipe soit d'une nature telle qu'il ne puisse être accompli individuellement, soit à cause de l'ampleur de la tâche, soit parce qu'il faut produire une oeuvre collective, soit parce que la formation visée comporte des aspects socio-affectifs importants; en d'autres termes, il faut que l'élève lui-même puisse constater que la coopération avec ses coéquipiers, pour ce qui concerne la tâche même, est nécessaire.

- Les élèves étant appelés à faire le travail par eux-mêmes, il est essentiel que le professeur puisse mettre à leur disposition des textes dont le niveau de lisibilité est adapté au groupe, des grilles de lecture, des instruments d'évaluation formative et tout autre outil approprié; en outre, élément souvent négligé, il faut que le thème ou le problème soumis soit à la portée de l'élève moyen. Bien sûr, le mobilier et le local doivent se prêter à la constitution de petits groupes et l'insonorisation doit permettre de supporter un niveau de bruit assez élevé.

Conditions pour assurer le bon fonctionnement de la méthode

On portera ici une attention particulière à l'interdépendance positive, à la responsabilité individuelle et à la formation au travail en groupe.

- L'interdépendance positive consiste en la perception qu'on est lié aux autres d'une façon telle qu'on ne peut réussir sans qu'eux aussi y arrivent, et vice versa, ou qu'il faut coordonner ses efforts avec ceux des autres pour venir à bout de la tâche.

Cette interdépendance doit exister à l'intérieur de chaque équipe; elle peut aussi exister entre les équipes si un même objectif est fixé à plusieurs équipes ou à toute la classe.

Il y a interdépendance négative lorsqu'il existe une forme ou une autre de concurrence, dans laquelle le succès des uns se fait au détriment de celui des autres.

La perception d'interdépendance positive à l'intérieur d'un groupe peut provenir de diverses sources: les membres peuvent être interdépendants en fonction du but à atteindre, des moyens à partager ou des compétences particulières de chaque coéquipier.

- La responsabilité individuelle doit exister au niveau du travail et sur le plan de l'évaluation sommative. Au niveau du travail, il faut faire en sorte que chaque équipier, dans chaque tâche, assume sa part du travail; on obtient ce résultat par la pression socio-affective que chacun subit du fait que l'image, la réputation ou le gain de chacun et de tous peuvent être compromis par l'impréparation d'un seul coéquipier.

Sur le plan de l'évaluation sommative, la performance sera habituellement évaluée individuellement; mais le professeur pourra aussi, en vue de renforcer l'interdépendance, accorder des points-bonis à l'équipe dont la moyenne des scores individuels a le plus augmentée depuis l'examen précédent, comme on l'a vu plus haut.

- Compte tenu des réticences possibles de certains élèves vis-à-vis du travail en équipe et, surtout, pour faciliter le fonctionnement harmonieux et efficace de l'équipe, il faut favoriser une dynamique positive à l'intérieur des groupes et, au besoin, montrer comment procéder pour résoudre des conflits.

D'abord, on prévoira des exercices permettant aux coéquipiers de faire rapidement plus ample connaissance et d'apprécier à la fois leurs différences et ce qu'ils ont en commun.

Ensuite, on demandera à chaque membre de s'attribuer un rôle pour contribuer au bon fonctionnement de l'équipe.

Chaque équipe sera aussi amenée à examiner régulièrement son fonctionnement, à l'aide de grilles d'évaluation fournies par le professeur.

De son côté, le professeur observera attentivement le fonctionnement des équipes, en vue d'identifier les habiletés qui semblent faire défaut, comme l'art de critiquer d'une façon positive, l'art de résoudre des conflits, l'art d'organiser le travail, etc., et il prévoira de courtes périodes de formation pour développer ces habiletés.

Les trois conditions qui précèdent son cruciales. Il faut en outre rappeler que les conditions générales d'une bonne pédagogie doivent être aussi respectées dans le cas de l'apprentissage coopératif, dont les suivantes qui sont particulièrement pertinentes.


Suggestion de rôles pour le travail en équipe

L'animateur:

La personne qui assure la participation de tous, qui dénoue les tensions, qui s'assure que le groupe progresse selon l'échéancier, etc.

Le secrétaire:

La personne qui parlera au nom de l'équipe, s'il y a lieu, ou qui rédigera le rapport final.

Le documentaliste:

La personne qui s'assure que le groupe a la documentation voulue et qui conserve le portofolio du groupe.

Le questionneur:

La personne qui s'assure qu'on a tiré le maximum d'information de chacun et que le groupe a fait le maximum vis-à-vis de chaque point traité.

L'observateur:

La personne qui surveille le fonctionnement du groupe sur le plan du processus de travail et des interactions sociales, puis qui donne une rétroaction au terme du travail.


- Faire en sorte, avant chaque nouvelle tâche d'apprentissage, que chaque élève soit amené à vérifier ses conceptions ou acquis cognitifs et à identifier son niveau de compétence, de façon à bien connaître la base sur laquelle se construiront ses nouvelles connaissances.

[début de la page 32 du texte original]

- S'assurer, au terme de la tâche, que chaque élève prenne une nouvelle mesure de ses connaissances, de façon à lui permettre de constater le chemin parcouru et de montrer ainsi l'utilité de la tâche demandée, ce qui aura aussi pour effet de renforcer sa motivation intrinsèque.

- En cours de tâche, prévoir les moyens requis pour que chaque équipe puisse évaluer par elle-même la qualité de son fonctionnement et de ses apprentissages.

- Prévoir le cas, très probable, où la marche de certaines équipes sera lente et celle d'autres, rapide, et préparer en conséquence des instruments d'appoint pour les premières et, pour les secondes, des questions ou des travaux d'enrichissement.

- Valoriser les résultats du travail en groupe en les réutilisant ostensiblement dans l'étape suivante du cours.

D'autres conditions, sans doute, pourraient être signalées, mais celles-ci touchent l'essentiel.

Conclusion

De tout ce qui précède il ressort que l'apprentissage coopératif est une méthode qui a ses exigences propres et où l'improvisation ne peut conduire qu'à des résultats décevants tant pour les élèves que pour le professeur.

Il faut, par contre, souligner que les modèles décrits plus haut ne sont pas figés et qu'on peut y apporter toutes sortes de variantes, tant dans le contenu et la composition des équipes que dans la démarche elle-même, en fonction des objectifs que se fixe le professeur ou du contexte où le cours se déroule. Précisons, en outre, que les élèves n'ont pas à être toujours regroupés de la même façon; ainsi, tantôt ils peuvent travailler dans leur groupe de base hétérogène, et tantôt se regrouper par affinités personnelles ou par niveaux de force scolaire.

Il est bon de rappeler aussi que le professeur désireux d'utiliser une forme quelconque de travail en équipe peut se situer n'importe où sur le continuum qui va de la simple entraide occasionnelle entre élèves jusqu'à un modèle sophistiqué d'apprentissage coopératif.

En terminant, ce qu'il faudrait retenir, surtout, ce sont les possibilités uniques qu'offre le travail en équipe pour aider le professeur à relever les défis auxquels son difficile métier le confronte chaque jour.

Références

<Note *> Texte d'une conférence présentée le 2 février 1994 au Cégep de Saint-Jérôme, dans le cadre des Buffets-conférences de l'AQPC.

<Note 1> KAGAN, Spencer, Cooperative Learning, San Juan Capistrano (CA), Resources for Teachers, 1992.

<Note 2> Centre for the Study of Classroom Processes, Using Cooperative Learning, Concordia University, 1993.

<Note 3> MAC LEAN, Paul, A Triune Concept of the Brain and Behavior, University of Toronto Press, T. Boag and D. Campbell Editors, 1973.